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Eloïse Lièvre (Paris IV-Sorbonne)

Lecture à double sens : La leçon herméneutique de la première feuille du Spectateur français

Toutes les indications de pages renvoient à l’édition F. Deloffre et M. Gilot des Journaux, Paris, Classiques Garnier, 1988, et figurent entre parenthèses après les citations.

La première feuille du Spectateur français possède un statut privilégié. Elle est la seule feuille à avoir pu être lue, avant qu’existe la seconde, comme un tout isolé et indépendant. Par sa place, elle sert de point de référence aux feuilles suivantes et constitue un premier repère par rapport auquel peuvent s’apprécier les retours du même. De plus, par son contenu, elle fait figure de préface programmatique. La première des quatre parties qui la composent capte la bienveillance du lecteur grâce au topos préfaciel de la dénégation auctoriale, tandis que le troisième mouvement de la feuille présente la personne et le caractère du rédacteur, ainsi que la finalité de son entreprise. Chacune insiste sur l’esthétique du Spectateur : il refuse le travail rhétorique de la dispositio et présente ses pensées dans l’ordre que le hasard des objets qui s’offrent à lui leur donne. Cette position suggère à la fois le caractère discontinu et hétérogène du texte et le schéma présidant à l’organisation des différentes unités textuelles : la réflexion devrait alterner avec la description des objets ou la narration des événements qui frapperont l’esprit du Spectateur.

Les deux autres parties de l’ensemble consistent en deux unités narratives détachables dont le statut et la fonction sont complexes. La première anecdote est elle-même construite en deux temps : le récit proprement dit et l’explicitation du lien avec la réflexion esthétique qui amorce la feuille. Tout seul, en effet, le récit n’a rien à voir avec le rejet de la composition forcée. |1| Il faut attendre le huitième paragraphe pour comprendre l’association d’idées qui a traversé l’esprit du Spectateur. L’anecdote de l’honnête homme pauvre et triste méprisé par le grand seigneur se termine ainsi par une opposition entre l’auteur professionnel tel qu’il est défini négativement dans la réflexion initiale et l’homme quelconque qui pourrait écrire ce qu’il vit et ressent réellement. Cette opposition revient à faire un parallèle entre l’écrivain du hasard et de l’occasion, que veut être le Spectateur, et cet homme qui, tout simplement, vit. La narration utilise donc une image, une comparaison pour éclairer les principes qui ont été exposés, et plus particulièrement l’exigence de « penser en hommes ». On peut alors dire que cette scène dont le Spectateur a été témoin a une valeur causale dans l’ordre des faits (ce qu’il a vu lui a fait formuler ses principes) et une valeur explicative dans l’ordre du discours (le récit vient préciser, illustrer sa pensée). Les énoncés qui encadrent le récit de l’anecdote l’explicitent :

Tout ce que je dis là n’est aussi qu’une réflexion que le hasard m’a fournie. Voici comment. (p. 115)
Supposons à présent que cet homme ait de l’esprit. Croyez-vous en vérité que ce qu’il sent en se retirant ne valût pas bien ce que l’auteur le plus subtil pourrait imaginer dans son cabinet en pareil cas ? [...] Quel est encore une fois l’auteur dont les idées ne soient de pures rêveries en comparaison des sentiments qui vont saisir notre infortuné ? (p. 116)

Cette analyse a pour but de montrer que le texte procède a un brouillage de l’ordre de lecture. L’ordre de présentation est l’inverse de l’ordre des faits qui peut à son tour être considéré comme l’inverse de la logique d’un discours qui enchaîne l’énonciation d’un principe et sa confirmation analogique. D’ailleurs, l’amorce de l’explicitation, « supposons à présent », trahit la confusion du texte : de quel « présent » s’agit-il ? Celui des faits (comme il se devrait) ou celui de l’énonciation ? La succession des différentes unités textuelles appelle une lecture en va-et-vient ; deux ordres de lecture se superposent : à l’endroit, à l’envers.

La seconde anecdote, celle de la découverte des « machines de l’opéra », ne fait pas intervenir une contradiction entre l’ordre des faits et l’ordre du discours puisqu’elle se situe sur un seul plan. Elle remplit la fonction d’explication, non au niveau de la production de la pensée, et donc du texte, mais uniquement au niveau de l’expérience. En revanche, elle a aussi sa part de complexité en ce qu’elle donne non seulement la source de la vocation |2| du Spectateur - sa misanthropie et son métier d’observateur des hommes - et renvoie donc à la troisième partie du texte (le deuxième volet du discours de présentation), mais éclaire également le rejet de la composition forcée et la revendication de l’esthétique du hasard. En effet, elle contient une autre comparaison implicite : la jeune coquette devant son miroir est comme l’auteur qui donne « la torture à son esprit ». L’anecdote entretient donc une double relation avec le reste de la feuille et, de plus, est prise dans le système de lecture à double sens déjà mis en place par les deux premières parties.

Revenons à la disposition alternée des unités textuelles impliquée par l’esthétique du hasard. On remarque qu’en venant se greffer, précisément en alternance, sur l’appareil préfaciel, les anecdotes remplissent encore une autre fonction : elles font de la feuille un exemple des principes qu’elle avance. La transition entre les deux premières parties (« Tout ce que je dis là n’est aussi qu’une réflexion que le hasard m’a fournie. Voici comment. ») l’explicite : c’est une scène vue qui a fait naître la réflexion inaugurale. |3| Si les histoires de l’honnête malheureux et de la coquette démasquée sont effectivement, par leur contenu et en fin de compte, explicatives, les modalités de leur narration exemplifient les principes exposés dans la première partie de la feuille. L’anecdote, la première en particulier met ainsi en abyme le mouvement de la pensée décrit précédemment, mouvement qui va de la rencontre fortuite de l’objet à la réflexion qu’il suscite. L’attention portée aux redites du texte fait apparaître cette figure d’enchâssement. Le terme de « réflexion » est ainsi présent dans la première partie de la feuille, dans la seconde partie et dans le paragraphe de transition. Dans ce dernier, il renvoie à l’unité réflexive qui le précède tandis qu’au sein de la seconde partie il désigne un moment de l’anecdote même. La structure de ce petit récit, faisant alterner la description et son commentaire intérieur par le Spectateur, reprend le schéma général de la feuille. Chaque observation du Spectateur s’accompagne d’une réflexion signalée par un verbe de parole, « disais-je », puis le caractère réflexif de cet énoncé est à son tour souligné : « en faisant cette réflexion », « je fais le philosophe ici », « c’était donc dans de pareilles pensées que je m’amusais avec moi-même » (p. 115) sont les formules qui scandent le texte et en explicitent la structure. Une fois celle-ci solidement mise en place, les transitions peuvent disparaître : dans le sixième paragraphe, une maxime s’enchaîne directement avec le récit. L’anecdote, qu’on pouvait croire, dans un premier temps et du point de vue de son sujet, déconnectée de l’unité qui la précède, offre en fait une démonstration, une mise en pratique immédiate des principes esthétiques du Spectateur.

Finalement, la première feuille du Spectateur français est marquée par trois grandes constantes : le refus de la rhétorique de la dispositio, l’alternance entre discours primaire et discours secondaire et le brouillage de l’ordre de lecture. Dans cette série de trois cependant, le premier élément se trouve marginalisé. Tandis que les deux derniers concernent la poétique du texte, le premier renvoie à l’idée esthétique défendue par le Spectateur. Cette idée est celle qui domine la feuille lue dans l’ordre de l’exposition : c’est bien la question de l’autorité, de son caractère arbitraire et artificiel qui est première et influence la lecture des autres parties, qui suggère de voir dans l’honnête homme dédaigné un pitoyable orateur |4| et dans la coquette un rhéteur achevé. Mais l’inversion de cet ordre, ainsi que la succession récurrente de la narration et de la réflexion permettent de découvrir une autre idée dominante et de donner au texte (c’est le cas de le dire) un autre sens. Lisons donc à l’envers. Que se passe-t-il si l’on considère d’abord et de façon autonome l’anecdote des « machines de l’opéra » ? Il s’agit de l’histoire d’une démystification. Grâce à un gant oublié qu’il est revenu chercher, le jeune Spectateur découvre l’imposture des charmes de la demoiselle, d’apparence si innocente, qu’il aimait. La fin de l’anecdote énonce alors trois conséquences, en cascade, de cette découverte :

[...] c’est de cette aventure que naquit en moi cette misanthropie qui ne m’a point quitté, et qui m’a fait passer ma vie à examiner les hommes, et à m’amuser de mes réflexions. (p. 118)

On y retrouve l’attitude du Spectateur (la distance misanthropique) et la structure de son activité (examen/réflexions) mais cette conclusion élude la véritable leçon de l’anecdote. Le jeune homme détrompé y a acquis une certitude, celle de la fausseté des hommes, et une technique, celle du décryptage des signes qu’ils émettent. Le dévoilement de l’artifice de la jeune fille lui apprend qu’il ne faut pas se fier aux apparences mais se livrer à leur traduction systématique. Ainsi, au gré de cette lecture à rebours, le centre de la première feuille du journal se déplace : ce n’est plus (seulement) le refus de la composition forcée mais le problème de l’interprétation des signes. |5| Ce changement de perspective a une conséquence sur l’ensemble de la feuille puisque l’on peut alors lire la première anecdote comme un exemple et une expérience pratique de cette entreprise de traduction qui constitue l’activité du Spectateur. |6|

Le mouvement d’alternance entre l’observation et la réflexion, qui structure la première anecdote, apparaît alors comme la conséquence de ce travail de décryptage. Le Spectateur repère d’abord un sujet d’analyse intéressant (1) puis relève des indices physionomiques menant à une première saisie du caractère (2) ; celle-ci lui permet de formuler une hypothèse qui relance sa curiosité (3) et le conduit à tirer de cette conjecture une réflexion générale (4), généralisation qui ne peut être que le fruit d’une confrontation du cas présent avec des observations antérieures :

Je viens de voir un homme qui attendait un grand seigneur dans sa salle ; je l’examinais parce que (1) je lui trouvais un air de probité, mêlé d’une tristesse timide (2) ; sa physionomie et les chagrins que je lui supposais m’intéressaient en sa faveur (3). Hélas ! disais-je en moi-même, l’honnête homme est presque toujours triste, presque toujours sans bien, presque toujours humilié[... ](4). (p. 115)

Le paragraphe suivant poursuit l’exemplification de cette entreprise d’interprétation des signes. Cependant, le travail de l’observateur n’est pas ici tout à fait le même que précédemment. Dans le premier exemple, chacune des remarques convergeait vers une conclusion unique, celle de l’honnêteté du sujet examiné et de l’attrait qu’il exerçait grâce à elle sur le Spectateur. Dans le deuxième exemple, la cohérence est plus fragile. Les quatre segments qui composent le paragraphe dessinent une progression qui accuse la relativité des signes. La première proposition est encore en accord avec leur transparence : il suffit au Spectateur de voir pour déceler dans l’apparence physique et l’attitude un caractère, comme l’atteste le raccourci opéré par les hypallages consistant à caractériser la « physionomie », la « démarche » ou le « regard » à l’aide d’adjectifs (« libre », « hardie », « ferme », « brusque », « aisé ») pouvant se rapporter directement à la détermination du tempérament. Mais dès la deuxième proposition, les indices ne disent plus de façon immédiate la réalité, il faut contourner l’obstacle qu’ils constituent : le Spectateur ne peut plus faire une simple et innocente supposition à partir des faits qu’il observe, il est obligé de deviner, de détecter la bonne chère dans l’« embonpoint » et la richesse dans une apparence de simplicité. Car il y a simplicité et simplicité : même si rien n’est dit sur l’habit de l’honnête homme pauvre, on peut lui supposer un habit simple conforme à sa situation et d’une simplicité qui n’aura rien en commun avec celle de celui pour qui elle n’est pas une nécessité mais un agrément. Un signe donc, plusieurs significations. Le paragraphe suivant offre alors la démonstration de la proposition réciproque. A la simplicité choisie pouvant servir de caution à l’aisance répond la parade ostentatoire de la richesse : deux signes différents, et même contraires, expriment cette fois une même réalité. Le travail d’interprétation du Spectateur est double : tantôt il s’agit de traduire une observation en maxime générale, tantôt de déchiffrer dans l’apparence une réalité inverse. Ce que met donc en avant la succession des trois exemples d’une part, et leur rapport à la leçon des « machines de l’Opéra » de l’autre, c’est la relativité des signes et de leur interprétation. Il est ainsi des difficultés que le texte, contradictoire sans en avoir l’air, ne résout pas. Dans l’expérience qu’il relate, le Spectateur suit et ne suit pas la fameuse leçon inaugurale, sans exposer les raisons de ses choix : pourquoi se fie-t-il à la physionomie qu’il interprète comme celle d’un honnête homme et dévoile ailleurs un « cœur dur » derrière un « air tranquille et satisfait » ? Pourquoi l’« air de probité » du solliciteur ne serait-il pas comme la sagesse et la naïveté de la jeune fille, un signe maîtrisé ? Comment sait-on qu’un signe est ou n’est pas l’indice de ce à quoi il semble renvoyer ?

Bien sûr, le doute joue aussi sur la première et la troisième partie de la feuille et affecte le discours préfaciel du Spectateur. La toute première phrase du journal place rétrospectivement les précautions introductives sur le même plan que l’anecdote qui les suit. Il s’agit en effet aussi d’une traduction. En commençant par démentir sa qualité d’auteur et le statut de livre de ce que le lecteur tient en main, le Spectateur ne fait pas autre chose que décrypter un signe, celui que constitue la publication, fût-elle sous la forme d’une simple brochure périodique, de ses écrits :

Lecteur, je ne veux point vous tromper, et je vous avertis d’avance que ce n’est point un auteur que vous allez lire ici. (p. 114)

L’avertissement est traduction : vous voyez un homme qui a toutes les caractéristiques d’un auteur, mais ce n’en est pas un ; ceci a toutes les apparences d’un livre, mais ce n’est pas un livre (on y revient). Soit. Mais disant cela, le Spectateur produit inévitablement un autre signe, que la lecture à rebours, passant par la leçon et son exemplification, invite à considérer avec méfiance. Pourquoi se fierait-on à sa parole plus qu’aux apparences qu’il dément ? La construction anti-auctoriale à laquelle il se livre n’est-elle pas précisément construction ? Ne développe-t-il pas dans son discours préfaciel un éthos qui pourrait n’être qu’une posture comparable à celle que met en place la coquette en travaillant son actio ? La lecture à l’envers ne déplace pas seulement le centre du texte, elle dément, ou du moins problématise le principe esthétique martelé par la lecture dans l’ordre. |7|

En provoquant ces brouillages, ces questions sans réponse, la première feuille du Spectateur français ne fait que bien remplir sa fonction d’ouverture, de préface programmatique, même si le programme délivré ne correspond pas à celui qu’on attendait. En effet, la lecture à rebours détermine non une esthétique mais une herméneutique ; elle jette le doute sur le projet du Spectateur, mais donne une orientation à la lecture du texte. La leçon d’interprétation que constituent l’anecdote des « machines de l’Opéra », mais aussi les rapports que la petite histoire originelle entretient avec les autres parties du texte vaut pour le lecteur. Le montage des énoncés met en valeur la plurivocité et la relativité des signes et le caractère arbitraire de leur décryptage. Lecture et interprétation sont ainsi renvoyées à la subjectivité de celui qui lit, qui est alors le principe d’unité du texte et en cela l’équivalent hors texte de la figure centralisatrice du rédacteur. Or, réellement, il n’y a pas un lecteur mais plusieurs, plusieurs subjectivités faisant varier le sens de l’ensemble de signes qu’est le texte, et cette multiplicité trouve son image dans les collaborateurs imprévus que le Spectateur choisit de se donner. Le dispositif même du Spectateur Français, qui se traduit par la tension entre centralisation et dispersion des voix narratives, ainsi que la poétique de la variation qu’il développe sont donc annoncés, par un jeu de construction formelle, dans la première feuille. Dispositif et poétique sont également rendus possibles par une idée qui y est énoncée, celle de l’équivalence entre l’homme qui vit et l’homme qui écrit, entre l’expérience sociale et le texte, la lecture de l’une et la lecture de l’autre, idée dont le rejet du travail rhétorique n’est que la conséquence.

Cette feuille inaugurale suggère un autre principe herméneutique en deux temps : la contextualisation et la comparaison. La première, on l’a vu, est appelée par les principes formels - discontinuité, double sens de lecture, alternance - que le texte met en œuvre, mais elle est aussi indiquée par la seconde, figure qui domine les deux anecdotes. L’honnête homme maladroit est comparé à « l’auteur le plus subtil » après l’avoir été aux autres solliciteurs qui l’entouraient (« c’est que son visage indigent n’était pas de mise avec celui de tant de gens heureux ») ; la préparation de la jeune coquette est comparée à son tour, au fait d’apprendre quelque chose par cœur, puis grâce à une métaphore, aux artifices scéniques de la représentation théâtrale. |8| Le Spectateur relève les ressemblances et les distinctions, découvre des équivalences, propose des rapprochements, tisse des rapports. Il fonde sa lecture des faits qu’il observe et ses réflexions interprétatives sur la comparaison et invite le lecteur à suivre la même voie pour la lecture du texte. Significativement, c’est aussi la figure du « parallèle » ( entre les supplices respectifs que s’imposent un anachorète et une femme aimée qui s’accroche à sa vertu) qui ouvre la seconde feuille du Spectateur. Cette comparaison intéresse d’autant plus mon propos qu’elle fait l’objet d’une discussion : le Spectateur anticipe une critique sur l’impertinence d’un tel rapprochement, les deux éléments comparés n’ayant aucun trait en commun. Il en reconnaît lui même le « ridicule », l’erreur de « jugement » qu’il commet et se débarrasse de son évaluation en en confiant la responsabilité au lecteur. La discontinuité énonciative (on change de voix narrative) et générique (le journal insère une lettre) marque l’application directe du programme d’interprétation subjective suggéré par la première feuille mais aussi l’abandon de la dispute sur la légitimité de la comparaison : il n’en est plus du tout question. Beaucoup de bruit pour rien, en somme, ou presque. Outre la diversion comique que constitue cette introduction, la comparaison peut avoir été convoquée en ce début de feuille non pour sa thèse mais pour son principe, principe du parallèle que la discussion en lui offrant développement et soulignement, a mis en valeur.

Eloïse Lièvre
Université Paris IV-Sorbonne

|1| : On peut nuancer un peu cette affirmation et trouver un lien entre le refus du travail de composition littéraire et la maladresse locutoire du personnage, incapable de bien formuler sa demande.
|2| :Jean-Paul Sermain a déjà proposé, dans un article démystificateur, une analyse de cette feuille, mettant en valeur les contradictions entre les différents énoncés, entre le projet du spectateur et celui de l'auteur Marivaux et leurs conséquences sur sa conception de la création littéraire, " Imagination rhétorique " et ‘ tour d'imagination ’ : les apories de la création littéraire chez Marivaux ", Marivaux et l'imagination, Actes du colloque de Toulouse (juillet 1998), p. 48-61 (à paraître).
|3| : Ibid., p. 50 : " Le spectateur présente d'abord son projet journalistique pour arriver aux circonstances proches puis lointaines qui y ont conduit. L'ordre d'exposition est donc inverse de l'ordre de la genèse, celui-ci éclairant rétrospectivement les propositions antérieures. "
|4| : Ibid.
|5| : Voir G.P. Bennington, " Les machines de l'opéra : le jeu du signe dans le Spectateur français de Marivaux ", French Studies, XXXVI, 1982, p. 54-169. L'auteur propose une lecture du journal à la lumière de cette " scène primitive ".
|6| : Dans cet ordre de lecture, l'anecdote a donc le même statut d'illustration que dans l'ordre d'exposition.
|7| : G.P. Bennington parvient à cette conclusion par d'autres chemins. Il montre que l'écriture du spectateur repose sur un jeu de regards semblables à ceux des hommes en société ou de la coquette en son miroir et en déduis : " En refusant à l'écriture toute autonomie, le texte l'enferme fatalement dans la clôture de la théâtralité qu'elle voulait éviter ", " Les machines de l'opéra : le jeu du signe dans le Spectateur français de Marivaux ", art. cité, p. 167-168.
|8| : La deuxième équivalence présente une petite étrangeté : elle est introduite comme une explication éclairante de ce que vient de dire le jeune homme à sa coquette démasquée et est pourtant moins directe, en tant qu'image, que la réplique précédente (c'est moi qui souligne) : " Ah ! Mademoiselle, je vous demande pardon, lui dis-je, d'avoir mis jusqu'ici sur le compte de la nature des appas dont tout l'honneur n'est dû qu'à votre industrie. Qu'est-ce que c'est ? que signifie ce discours ? me répondit-elle. Vous parlerai-je plus franchement ? lui dis-je, je viens de voir les machines de l'Opéra. Il me divertira toujours mais il me touchera moins. ", S.F., I, J.O.D., p. 118.
La traduction que réclame ici la coquette est l'occasion d'affirmer la valeur du principe de comparaison mais aussi encore une fois la réversibilité du statut du signe : ici c'est le discours clair qui tient la place du discours à démêler et la figure celle de l'interprétation.